Ils choisissoient les meilleures, & les faisoient jouer sans appareil, & si elles réussissoient, ils les faisoient ensuite jouer avec toute la pompe dont elles étoient susceptibles ; ainsi les auteurs n’étoient point avilis. […] Il est impossible que la musique la plus parfaite forme des conversations même avec les gestes de l’acteur, quoiqu’à la vérité l’un aidât à l’autre, lui donnât de l’énergie, en fit un meilleur tableau, car tous les deux sont pittoresque, il faudroit doubler l’orchestre pour faire entendre de plus loin ; aussi les Romains avoient dans leurs amphitéatres vingt & trente mille personnes, je ne sache pas qu’ils aient jamais employé la musique pour aider les pantomimes, ni qu’ils aient connu ces musiques pittoresques, telles qu’on les entend, encore moins telles qu’on les voudroit, qui même sont impossibles. […] Ce n’est pas pour acquerir de la gloire qu’il s’est engagé dans la carriere théatrale ; ce n’est pas par intérêt, ce n’est pas par libertinage : le metier d’auteur dramatique, tout glorieux, tout lucratif, tout licencieux qu’il est n’a d’attrait pour la grande ame du Prince, Marmontel, qu’autant qu’il lui procure la facilité d’être utile à l’humanité ; (la Réligion & la vertu sont autre chose) il desire de rendre ses semblables meilleurs ; (le théatre y réussit mieux que la Réligion & la vertu) mettez dans l’alambic un gascon, un poëte, un déiste, en voilà le résultat. […] Linguet crut pouvoir hazarder une nouvelle traduction du théatre Espagnol, il a mérité de réussir, sa traduction est bien faite, & il traite judicieusement plusieurs questions dramatiques ; il y a quelques pieces fort longues, (c’est le goût des Castillans) prises de Lopez de Vega, de Calderon, de Guillaume Castro & de quelques autres moins célebres : Lopez de Vega est comme Hardi parmi nous, qui composa huit cents pieces de théatre, il en a donné plus de deux mille ; on appelle ses œuvres, par une fanfaronnade de Castille, l’Océan Dramatique, & il est impossible qu’un si grand nombre de poëmes soient bons ; mais ils sont meilleurs que ceux de notre Hardi. […] Les deux Corneilles, Moliere même qu’on dit si originaux, lui doivent leurs meilleures pieces.