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245. (1694) Lettre d’un Docteur de Sorbonne à une personne de Qualité, sur le sujet de la Comédie « letter » pp. 3-127

« Que les Comédies sont toujours dangereuses : qu’’il en faut user comme on use des champignons, dont les meilleurs ne valent rien : qu’elles dissipent l’esprit de dévotion, alanguissent les forces, refroidissent la charité, et réveillent en l’âme mille sortes de mauvaises affections. […] Il en devient même plus hardi : la Comédie n’est plus chez lui une chose indifférente, c’est la meilleure chose du monde. […] Notre Docteur méditera, s’il lui plaît, sur cette réponse ; je ne pouvais lui rien dire ni de meilleur ni de plus juste. […] Mais on lui a fait assez voir la faiblesse de ses preuves ; et on lui soutient encore avec les plus habiles gens et les meilleurs connaisseurs, que dans les Comédies mêmes que l’on joue aujourd’hui, il reste toujours quelque chose de la première corruption des Spectacles ; qu’on y étale encore tout ce que le monde a de plus vain et de plus pompeux, qu’on y fait toute sorte d’efforts pour enchanter les yeux et les oreilles ; et qu’on n’y épargne rien de tout ce qui peut séduire le cœur par le remuement des passions, dont on fait jouer souvent les ressorts les plus fins sous de belles apparences de vertus : en sorte qu’un Comédien croirait avoir perdu son temps s’il n’avait causé quelque émotion et fait quelque brèche au cœur de ses Spectateurs ; et que les Spectateurs de même croiraient avoir perdu leur argent s’ils sortaient de la Comédie aussi froids qu’ils y sont entrés.

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