Je veux bien supposer que les spectateurs, renvoyés avec cette belle maxime, n’en concluront pas que le crime a donc un prix de plaisir et de jouissance ; mais je demande enfin de quoi leur aura profité la pièce où cette maxime est mise en exemple ? […] Ajoutez que l’auteur, pour faire parler chacun son caractère, est forcé de mettre dans la bouche des méchants leurs maximes et leurs principes, revêtus de tout l’éclat des beaux vers, et débités d’un ton imposant et sentencieux pour l’instruction du parterre. […] Tant il est vrai que les tableaux de l’amour font toujours plus d’impression que les maximes de la sagesse, et que l’effet d’une tragédie est tout à fait indépendant de celui du dénouement ! […] Sur celle-là jugeons des autres, et convenons que l’intention de l’auteur étant de plaire à des esprits corrompus, ou sa morale porte au mal, ou le faux bien qu’elle prêche est plus dangereux que le mal même, en ce qu’il fait préférer l’usage et les maximes du monde à l’exacte probité ; en ce qu’il fait consister la sagesse dans un certain milieu entre le vice et la vertu ; en ce qu’au grand soulagement des spectateurs, il leur persuade que, pour être honnête homme, il suffit de n’être pas un franc scélérat. […] Tâchez surtout de nous prouver bien clairement ce dernier point ; car j’observe que les parents qui s’occupent de l’éducation de leurs enfants vous redoutent étrangement ; que les personnes à qui leurs places prescrivent de la gravité, de la décence, craindraient d’être surprises dans les temples où l’on débite si pompeusement vos maximes ; que bien des gens sensés s’y ennuient ; que vos prêtres et vos prêtresses ne jouissent pas encore des droits que les lois accordent au dernier citoyen.