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57. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — PREMIERE PARTIE. — CHAPITRE PREMIER. Comparaison des Théâtres anciens avec les modernes. » pp. 2-17

Après quelques temps le Théâtre se corrigea : on substitua, à ces amours déréglés, des amours qui ne tendaient qu’au mariage : mais, tout bien considéré, ces amours (que l’on appelle honnêtes) ne sont pas moins de mauvais exemples que les autres ; ils sont toujours traités sur la scène, sans bienséance, et en dépit des engagements des parents, ou de la volonté des Tuteurs. […] Il est donc vrai que l’on peut appeller le Théâtre moderne, dans son commencement, le triomphe du libertinage et de l’impiété, et depuis sa correction, l’Ecole des mauvaises mœurs et de la corruption ; d’où l’on peut conclure que le motif des Grecs, de critiquer pour corriger les mœurs, adopté et suivi par les Latins, a été entièrement abandonné par les modernes. […] Quand même l’effet de cette Pièce serait assuré par rapport au vice de l’avarice ; quand même on supposerait qu’elle doit faire une égale impression sur l’esprit de tous les jeunes gens, (et il pourra s’en trouver plusieurs pour qui l’avarice aura de l’attrait, malgré le tableau affreux qu’on leur en aura présenté) il n’en est pas moins incontestable que le mauvais exemple des deux enfants de l’Avare est un poison mortel pour la jeunesse, devant qui cette Pièce est représentée : les jeunes personnes de l’un et de l’autre sexe n’effaceront jamais de leur esprit ni de leur cœur les idées et les sentiments que les enfants de l’Avare y auront gravés ; et ils s’en souviendront jusqu’à ce qu’ils aient fait l’essai d’une leçon si pernicieuse. Si nos modernes ont introduit le mauvais exemple, et souvent même le scandale jusque dans la Comédie de caractère, qui est la plus instructive et la plus propre à la correction des mœurs, il faut convenir qu’il est absolument nécessaire de réformer le fond de notre Comédie, soit d’intrigue, soit de caractère.

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