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30. (1702) Lettre de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour. Lettre de Lettres curieuses de littérature et de morale « LETTRE. de M. l’Abbé de Bellegarde, à une Dame de la Cour, qui lui avait demandé quelques réflexions sur les pièces de Théâtre. » pp. 312-410

Les mœurs ne sont autre chose, que les inclinations, bonnes ou mauvaises. […] Ses infortunes doivent être regardées comme la suite de quelque mauvaise action ; mais il ne faut pas qu’elle parte d’un mauvais fond, ou d’une âme noire ; il faut plutôt que ce soit l’effet d’une certaine fragilité, qui n’est pas incompatible avec une grande vertu : C’est ainsi, que la jalousie injuste de Thésée, l’infidélité de Jason, qui abandonne Médée, pour prendre une autre épouse ; la présomption de Niobé, qui se glorifiait dans le grand nombre de ses enfants, et qui méprisait Latone, ont été punies avec justice. […] C’est une chose ordinaire, qu’un ennemi mette tout en œuvre pour se venger d’un ennemi, après en avoir reçu de grands outrages ; les mauvais traitements qu’il lui fait, ne surprennent point. […] Des sujets si uniformes sont languissants ; l’âme, se trouvant toujours dans la même situation, souffre une contrainte qui la gêne : on se lasse enfin de pleurer toujours, et l’on abandonne un malheureux à son mauvais sort. […] Ceux qui se vantent d’aller à la Comédie et d’en sortir, sans sentir de mauvaises impressions, ne la justifient pas pour cela ; c’est qu’ils ont déjà le cœur et l’imagination gâtés ; la Comédie ne fait autre chose, que de les entretenir dans leurs mauvaises habitudes.

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