Rien n'est plus malheureux que le bonheur des pécheurs, qui nourrit pour ainsi dire une impunité, qui est en effet une peine, et qui fortifie la mauvaise volonté comme un ennemi intérieur. […] Quant à ce que les Païens se plaignent que le Christianisme a diminué la félicité du monde ; s'ils lisent les livres de leurs Philosophes, qui reprennent ces choses dont ils sont privés maintenant malgré eux, ils trouveront que cela tourne à la louange de la Religion Chrétienne ; car quelle diminution souffrent-ils de leur félicité, sinon à l'égard des choses dont ils faisaient un très mauvais usage, s'en servant pour offenser leur Créateur ? Il leur semble peut-être que le temps est mauvais, parce que presque dans toutes les Villes les Théâtres, ces lieux infâmes, où l'on fait une profession publique de l'impureté, tombent en ruine, d'où vient cela, sinon de la pauvreté, qui ne leur permet pas de réparer ces lieux qu'ils avaient bâtis autrefois avec une profusion honteuse et sacrilège ? […] Nous faisons toutefois ce que je viens de dire, nous nous disons Chrétiens, et par nos impuretés nous excitons contre nous un Dieu miséricordieux ; nous l'irritons alors qu'il s'apaise, et nous l'outrageons alors qu'il nous caresse : Nous offrons donc à Dieu des Jeux infâmes pour les bienfaits qui viennent de lui, nous lui faisons des sacrifices exécrables, comme s'il avait pris notre chair pour nous donner de si mauvaises instructions, où qu'il nous les eût fait entendre par la bouche de ses Apôtres. […] Je laisse pour juge de cette demande, la conscience de tous les Chrétiens, et je n'ai que faire de dire ce qu'une pernicieuse coutume fait voir trop clairement, l'on retient plus facilement un mauvais mot, qu'une sentence de l'Evangile, et l'on est plus content d'écouter les paroles de la mort, que celles de la vie: ainsi le Criminel aime mieux entendre ce qui le condamne, que ce qui lui donne la grâce.