/ 518
101. (1665) Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre « Observations sur une comédie de Molière intitulée Le Festin de Pierre » pp. 1-48

C’est ce qui fait espérer que Molière recevra ces Observations, d’autant plus volontiers, que la passion et l’intérêt n’y ont point de part : ce n’est pas un dessein formé de lui nuire, mais un désir de le servir : on n’en veut pas à sa personne, mais à son Athée : l’on ne porte point envie à son gain ni à sa réputation : ce n’est pas un sentiment particulier, c’est celui de tous les gens de bien, et il ne doit pas trouver mauvais que l’on défende publiquement les intérêts de Dieu, qu’il attaque ouvertement, et qu’un Chrétien témoigne de la douleur en voyant le Théâtre révolté contre l’Autel, la Farce aux prises avec l’Évangile, un Comédien qui se joue des Mystères, et qui fait raillerie de ce qu’il y a de plus saint et de plus sacré dans la Religion. […] Tout ce qu’elle avait de mauvais, avant ce grand Cardinal, c’est qu’elle était coquette et libertine ; elle écoutait tout indifféremment, et disait de même, tout ce qui lui venait à la bouche ; son air lascif et ses gestes dissolus rebutaient tous les gens d’honneur, et l’on n’eût pas vu en tout un siècle une honnête femme lui rendre visite. […] Je sais que l’on ne tombe pas tout d’un coup dans l’Athéisme : on ne descend que par degrés dans cet abîme, on n’y va que par une longue suite de vices, et que par un enchaînement de mauvaises actions qui mènent de l’une à l’autre. […] Où en serions-nous, si Molière voulait faire des Versions de tous les mauvais Livres Italiens, et s’il introduisait dans Paris toutes les pernicieuses coutumes des Pays Etrangers : et de même qu’un homme qui se noie, se prend à tout, il ne se soucie pas de mettre en compromis l’honneur de l’Église pour se sauver, et il semble à l’entendre parler qu’il ait un Bref particulier du Pape pour jouer des Pièces ridicules, et que Monsieur le Légat ne soit venu en France, que pour leur donner son approbationf. […] Un Marquis après avoir embrassé Molière, et l’avoir appelé cent fois l’Inimitable, se tournant vers l’un de ses amis, lui dit qu’il n’avait jamais vu un plus mauvais Bouffon, ni une Farce plus pitoyable ; et je connus par là que le Marquis jouait quelquefois Molière, de même que Molière raille quelquefois le Marquis.

/ 518