Ce peuple sage dans sa grossiéreté craignoit qu’une jeune Reine si dissipée ne lui donnât quelque fils naturel qui attroit causé du trouble pour la succession, ou peut-être qu’un mariage bisarre formé par la passion ne fit monter sur le trône quelque amant indigne qui l’auroit déshonoré, ou quelque Prince étranger qui seroit venu gouverner l’État & enlever ses finances ; on souhaita qu’elle se mariât & qu’elle épousât le Prince Palatin, Charles, son proche parent, héritier présomptif de la couronne, mariage à tous égards très-convenable, qui assuroit le repos de la Suède, l’âge, la naissance, la religion, le mérite, tout étoit parfaitement assorti ; on le lui proposa, on l’en pria, on l’en pressa ; un mariage formé par la sagesse n’est pas du goût de Thalie, elle ne veut que les chaînes de la passion, ou l’indépendance du célibat, & quoique toutes les comédies se terminent par un mariage, la plupart des Auteurs, Acteurs, Actrices, Amateurs préfèrent au joug de l’hymen, la dissipation & le libertinage, elle avoit devant les yeux l’exemple récent d’Elisabeth d’Angleterre qui avoit refusé vingt-quatre mariages & joué la virginité pendant quarante ans. […] Idée fausse, dans un Royaume héréditaire le successeur est tout désigné par sa naissance ; ainsi en Angleterre l’union des maisons rivales d’York & de Lancastre par un mariage, termina une guerre qui avoit bouleversé l’État pendant tant d’années. […] Imprudence qui déplut à toute la Cour où on ne vouloit pas un mariage si mal assorti ; ensuite elle alloit dire à Madame de Montpensier : Il faut vous marier avec le Roi, je veux en parler & ménager cette affaire. […] Le mariage d’un Souverain est nécessaire pour conserver la succession à la couronne, soit pour prévenir les troubles & maintenir la paix, soit même pour éviter le scandale & la débauche. […] Les Etats vouloient que leur Reine se mariât, & lui destinoient le Comte Palatin son héritier présomptif qui lui succéda en effet, ce mariage fort convenablement au bien de l’État, fut plusieurs fois proposé à la Reine avec les plus vives instances.