Depuis que je m’étais décidée à prendre ce nouveau moyen de regagner le cœur de mon mari, je passais les jours avec Mademoiselle *** : le hazard semblait me seconder en tout : monsieur de Longepierre est allé pour quelques jours à sa maison de Passy, & mon mari, pressé de l’accompagner, ne put s’en défendre : mais dès le surlendemain, son goût pour le Spectacle, me le ramena à dîner. […] Monsieur de F*** demeurait dans un château à deux lieues de la Ville ; le mari y venait tous les jours ; mais comme il ne possédait sa femme que le tiers de sa vie, il n’avait pas le temps de se rassasier d’une vue si chère. […] Elle comprit qu’il était d’autant plus difficile de s’opposer à la fantaisie de son mari, qu’elle connaissait peu le monde & ses usages ; & que, renfermée dans son innocence, elle n’avait pas l’art de se diversifier, & de se rendre toujours nouvelle aux yeux d’un inconstant. […] Elle était inconnue ; son mari dépuis sa nouvelle passion venait plus rarement ; elle osa former le projet, & l’exécuter, de se rendre à la Ville, les jours où la *** devait jouer, & de se modeler sur cette Rivale odieuse qui lui enlevait un cœur qu’elle n’avait pas mérité de perdre. […] Dès que son Rôle fut achevé, elle se débarrasse de ses habits de Théâtre (qui étaient ceux de la ***) s’échappe adroitement, & se hâte de se rendre chez son mari, qu’elle avait démêlé parmi les Spectateurs.