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91. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Lettre sur la Comédie de l’Imposteur Monsieur, Puisque c’est un crime pour moi que d’avoir été à la première représentation de L’Imposteur, que vous avez manquée, et que je ne saurais en obtenir le pardon qu’en réparant la perte que vous avez faite et qu’il vous plaît de m’imputer, il faut bien que j’essaie de rentrer dans vos bonnes grâces, et que je fasse violence à ma paresse pour satisfaire votre curiosité. […]   Voilà, Monsieur, quelle est la pièce qu’on a défendue ; il se peut faire qu’on ne voit pas le venin parmi les fleurs ; et que les yeux des Puissances sont plus épurés que ceux du vulgaire : si cela est, il semble qu’il est encore de la charité des religieux persécuteurs du misérable Panulphe de faire discerner le poison que les autres avaient faute de le connaître ; à cela près, je ne me mêle point de juger des choses de cette délicatesse, je crains trop de me faire des affaires, comme vous savez, c’est pourquoi je me contenterai de vous communiquer deux réflexions qui me sont venues dans l’esprit, qui ont peut-être été faites par peu de gens, et qui, ne touchant point le fond de la questionb, peuvent être proposées sans manquer au respect que tous les gens de bien doivent avoir pour les jugements des puissances légitimes. […] Or ce plaisir, quand il vient des choses raisonnables, n’est autre que cette complaisance délicieuse, qui est excitée dans notre esprit par la connaissance de la Vérité et de la Vertu : et quand il vient de la vue de l’ignorance et de l’erreur, c’est-à-dire de ce qui manque de Raison, c’est proprement le sentiment par lequel nous jugeons quelque chose ridicule. […] De là vient que ce qui sied bien est toujours fondé sur quelque raison de convenance, comme l’indécence sur quelque disconvenance, c’est-à-dire le Ridicule sur quelque manque de Raison. […] La raison de cela est, que selon mon principe nous estimons Ridicule ce qui manque extrêmement de Raison : or quand des moyens produisent une fin fort différente de celle pour quoi on les emploie, nous supposons avec juste sujet, qu’on en a fait le choix avec peu de raison ; parce que nous avons cette prévention générale, qu’il y a des voies partout, et que quand on manque de réussir, c’est faute d’avoir choisi les bonnes.

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