Le fard formoit, jusqu’à nos jours, un objet très-borné d’industrie, qui n’occupoit que peu de personnes ; il est devenu un objet fort étendu de commerce, il forme un metier complet, que l’Académie des Sciences ne manquera pas de donner au public, avec tous les autres arts & metiers. […] Couleur que la volupté, & la fureur ne manquent jamais de produire ; sur quoi Benoît Sinibalde, fameux Médecin, qui traite cette matiere, fait une réflexion judicieuse : les femmes qui se fardent connoissent mal leurs intérêts, & ménagent peu leur réputation, en se chargeant des livrées du vice ; elles détruisent aussi l’aimable rougeur de la modestie, qui leur feroit bien plus d’honneur ; en effaçant par des couleurs étrangeres, qui n’annoncent que l’impudence, elles se rendent méprisables même à leurs amans, dit l’Ecriture : Pinxisti stibio oculos tuos, & ornata es monili aureo frustra component contempserunt te amatores tui. […] Les marchands s’en approvisionnent, & ne manquent pas d’en faire l’étalage aux acheteuses, & de suivre leur goût ; ils font une étude particuliere de l’assortiment des couleurs ; on les y dirige dans leur apprentissage, & le premier coup d’œil tombe sur le teint de la Dame, pour juger ce qui convient à la blonde, à la brune, à la pale, leur offrir ce qui sied le mieux, & leur donner des sages conseils. […] Une femme qui se farde veut suppléer à ce qui lui manque, pour qu’on ne s’en apperçoive pas. […] Les cheveux empruntés, les coloris des joues, la rougeur des levres, tout cela n’est inventé que pour remplacer la beauté qui manque : Hæc inventa sunt ad pulchritudinis deficientis emendationem.