[A] L e Mimisme [A], ou l’Art de donner, par l’imitation, les grâces & la vie aux personnages d’un Drame ; de leur prêter ses organes d’une manière convenable à leur caractère ; de les animer de ce feu que l’Auteur n’a pu que leur supposer ; en un mot, l’Art aussi noble qu’utile en lui-même, d’exprimer avec énergie les diverses passions des hommes, m’avait toujours paru mériter d’aller au moins de pair avec la Musique & la Peinture. […] La seconde manière dont le Théâtre blesse les mœurs, résulte des accessoires du Drame, & surtout du Comédisme ou de la manière d’être de nos Comédiens : ce dernier objet est d’une si grande importance, que pour opérer une véritable réforme, on doit commencer par honester la condition & sur-tout les mœurs de nos Acteurs. […] C’est donc une erreur, de croire, que les inconvéniens du Spectacle ne soient, absolument, que dans le Drame, dans la pompe du Spectacle, la Musique & les Danses, la dissipation, la volupté qui l’accompagne, puisqu’en elles-mêmes toutes ces choses peuvent être très-innocentes ; ils sont, essenciellement, dans la façon de penser du siècle, que le Drame n’a point donnée, mais qu’il a suivie ; ils sont, accidentellement, dans l’Actricisme, ou la manière de jouer ; dans la personne même des Comédiens & des Comédiennes de profession. […] Enfin il semble que ceux dont les Troupes dépendent immédiatement, pourraient y faire règner un ordre exact, sans employer la voie honteuse des châtimens, qui ne serait propre qu’à rétrécir le génie, & à abâtardir le talent : des hommes & des femmes comme la plupart de nos Comédiens formés, ne sont pas des machines qu’on ne remue que par la force : ils ont de l’esprit, du bon sens ; & la manière la plus efficace avec des gens de cette trempe, ce serait des distinctions flateuses, lorsqu’ils quitteraient le Théâtre. […] Quand on remet au Théâtre une Pièce ancienne, & qu’un excellent Acteur la joue d’une manière neuve, est-ce à l’Auteur, qui souvent n’existe plus, qu’il doit son intelligence ?