« Le comédien cultive, pour tout métier, le talent de tromper les hommes, de s’exercer à des habitudes qui, seraient-elles innocentes au théâtre, ne servent partout ailleurs qu’à mal faire. […] Partout la tentation de mal faire augmente avec la facilité ; et il faudrait que les comédiens fussent plus vertueux que les autres hommes, s’ils n’étaient pas plus corrompus. […] C’est un grand mal sans doute de voir tant de scélérats faire des rôles d’honnêtes gens : mais y a-t-il rien de plus odieux, de plus choquant et de plus lâche que de voir sur le théâtre celui qui se dit honnête homme, faire le rôle d’un scélérat, et déployer tout son talent pour faire valoir de criminelles maximes ? […] Voilà, me dis-je à moi-même, des hommes qui se damnent de propos délibéré pour me divertirn. » Quand même on ne prendrait aucun mal à la représentation des pièces théâtrales, ne se rend-on pas coupable en contribuant à entretenir les autres dans une profession frappée des anathèmes de l’Eglise, et digne de l’être par la vie scandaleuse et libertine de la plupart de ceux qui l’exercent, par tous les désordres secrets ou publics dont ils sont la cause ? […] S’il est quelquefois permis de tolérer un mal pour en empêcher un plus grand, il ne l’est jamais d’y coopérer même pour faire un bien.