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374. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre onzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre VI. Du Fard. » pp. 143-168

Idolâtre amans de charognes pompeuses, Qu’enchantent par leur chant, ces Syrenes trompeuses, Dites l’adieu dernier à ces belles poupées, Si bien pour votre mal ou malheur équipées, Dont les masques gluans, & distillés appas, Nous font voir justement ce qu’elles ne sont pas. […] La chaleur, l’humidité, un mauvais jour, un coup de pinceau mal donné par la coëffeuse peut devoiler tout le mystere. […] Couleur que la volupté, & la fureur ne manquent jamais de produire ; sur quoi Benoît Sinibalde, fameux Médecin, qui traite cette matiere, fait une réflexion judicieuse : les femmes qui se fardent connoissent mal leurs intérêts, & ménagent peu leur réputation, en se chargeant des livrées du vice  ; elles détruisent aussi l’aimable rougeur de la modestie, qui leur feroit bien plus d’honneur ; en effaçant par des couleurs étrangeres, qui n’annoncent que l’impudence, elles se rendent méprisables même à leurs amans, dit l’Ecriture : Pinxisti stibio oculos tuos, & ornata es monili aureo frustra component contempserunt te amatores tui. […] Le premier mari de Poppée, Crispinus, Chevalier Romain, homme simple & modeste, n’aimoit point le luxe & le faste, Poppée s’en dégouta, & s’en sépara pour épouser le jeune Othon ; petit, assez mal fait, mais petit maître élégant & libertin en petit maître ; il dépensa un bien immense en habits, en meubles, en équipages, en festins, en jeux, en fêtes ; il mourut accablé de dettes ; mais quelle femme peut tenir contre l’élegance & la dépense ?

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