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162. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre I. Des Parfums. » pp. 7-32

Des nations entières usent de liqueurs spiritueuses jusqu’à l’ivresse ; les personnes qui s’adonnent à ses odeurs, empestent leurs appartemens, & donnent à vingt pas à la ronde du mal de tête à ceux qui les approchent. […] Mais, dit-on, quel mal y a-t-il à sentir des bonnes odeurs ? […] Pasquier dans ses recherches prétend qu’un des grands maux que les Croisades ont fait à la France, c’est d’y avoir apporté la molesse, le luxe & le faste asiatique, mal encore plus grand que la perte de tant d’hommes & de trésors qu’elles ont occasionné, parce qu’il n’a fait que croître, & qu’il est devenu sans remède ; la France auparavant modeste, simple, frugale, peut-être même un peu grossière ne connoissoit pas non plus que les anciens Gaulois la magnificence des habits, la richesse des meubles, la somptuosité des repas, les délises des parfums. […] mais il ne faut pas leur en faire un crime, c’est une nécessité non-seulement parce que les maux & les odeurs qu’elles contractent par le libertinage, sont si dégoûtans qu’il faut les couvrir d’ambroisie, mais encore parce que c’est le costume ; elles représentent continuellement des Déesses, des Princesses Asiatiques. […] Ce Prince de la scène, ces merveilleux du logis ; victimes infortunées des maux innombrables aussi honteux que douloureux, fruits amers de leur corruption traînent des corps blasés des membres infects ; une salle de spectacle seroit pire qu’une salle d’hôpital, si la décoration des odeurs plus nécessaire que celles des peintures ne trompoit l’odorat, comme la perspective trompe les yeux, & ce n’est pas moins dans le physique que dans le moral que se vérifia la parole de Saint Paul.

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