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95. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre II. Charles IV & Charles V. » pp. 38-59

Il étoit en guerre avec un Prince voisin, un jour on vint lui dire que son ennemi étoit entré dans ses Etats avec une armée, & y faisoit des ravages ; il descend à la cuisine, met sur sa tête un chauderon en guise de casque, prend à la main une broche comme une épée, sort avec sa Cour dans la rue, s’escrimant avec sa broche pour combattre les ennemis. […] Il fut que cette fille & sa mere étoient invitées à un repas chez un de leurs amis ; il s’y rendit, & demanda tout haut à la mere de parler tête à tête à sa fille, seulement pendant le temps qu’il pourrait tenir un charbon ardent dans sa main. […] Il prit en effet un charbon ardent, & à force de le presser, de le passer d’une main dans l’autre, en se grillant la peau, il lui parla si long-temps, qu’il ennuya la compagnie, la mere & la fille. […] Ce portrait tomba entre les mains des deux amans qui se divertirent à ses dépens. […] Quand il quitta en fugitif la Cour de Louis XVI, il alla se mettre entre les mains de l’Empereur, sous la protection duquel il passa le reste de sa vie ; mais au lieu d’aller en droiture à Vienne, il courut à Florence voir sa maîtresse, d’où il il revint en Allemagne par Rome, Venise, &c. promenade fort inutile de quatre ou cinq cents lieues.

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