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240. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

Enfin l’entretien a tant de douceurs mêlées les unes dans les autres, que nous ne recherchons quasi point les autres divertissements que pour l’amour de lui ; on se plaît à manger ensemble, c’est plus pour se voir et pour s’entretenir, que ce n’est pour contenter sa faim, si on joue on veut compagnie : La chasse, quoique ce soit un exercice qui a beaucoup d’agrément, serait bientôt abandonnée s’il y fallait garder le silence. […] Cela remue toute une armée, c’est comme un nouveau feu qui entre dans les veines de tous les soldats : cette musique fait autant de lions qu’il y a d’hommes qui l’entendent : La couleur leur monte au visage, et le courage dans le cœur : Les pieds et les mains s’en ressentent : Tout le corps est dans une nouvelle posture, et les plus timides ont peine de se tenir : Nous lisons dans les histoires que les chevaux et les éléphants qui ne sont qu’une masse de chair, sont sensibles aux fanfares, et en prennent une chaleur qui les pique et les pousse dans la mêlée. […] Pourquoi mêler le saint avec le profane ? […] Le même esprit qui les anime, se trouve encore dans leurs livres, on le respire en les lisant, et le Lecteur en est plutôt infecté qu’il n’y a pris garde : Ce qui cause la tromperie, c’est que le venin est mêlé de tant de doux ingrédients qu’on le boit avec délices ; on le reconnaît à la présomption, il se découvre encore davantage par opiniâtreté, puis il fait passer jusqu’au mépris ; on tient tête à ses propres maîtres ; on se mesure avec eux, et tel qui devrait encore apprendre des autres, fait l’oracle et veut que tout ce qu’il dit soit respecté ; s’il accorde aux autres plus de lecture, il se donne un esprit plus délié, et qui d’un plein saut porte jusqu’à la dernière difficulté. […] Dieu pouvait-il donner un avis plus pressant aux Français pour leur faire entendre que la momerie ne lui plaît point, que de faire venir leur Roi, qui s’en était voulu mêler, sur le bord du précipice ?

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