/ 328
59. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE III. De la Comédie. » pp. 92-118

Son orgueil et son libertinage méritent assurément d’être punis, et comme il est un sot, ils le seraient bientôt, par une suite toute simple de sa sottise et de sa prodigalité, si le bon sens de sa femme ne venait à son secours. » Mais on dit, M. le Public, que vous prenez pour un honnête homme, cet Escroc de Gentilhomme qui le vole si indignement ? […] Demandez à nos Juges criminels s’ils ne condamnent pas souvent au supplice des coquins qui l’ont mérité de la façon la plus comique ; quoique ceux-ci aient pu déconcerter la gravité de leurs Juges dans leur interrogatoire, par ce qui s’est trouvé de plaisant dans les circonstances du délit : ce comique-là disparaît dès qu’il est question de prononcer, et la sentence n’en est pas moins sérieuse quoique le procès soit risible. […] On ne pouvait donc pas faire un plus grand compliment à l’Auteur que d’observer qu’Angélique méritait d’être punie, et de lui reprocher qu’il avait mis en Scène une femme détestable. […] Un critique bien plus éclairé que vous, un Philosophe qui loin d’être un Cynique sauvage s’est attaché à mériter par ses écrits le titre d’ami des hommes, qui ne veut que les rassembler en Société et non pas les disperser dans les glaces du Canada ou des terres Australes ; cet Auteur respectable dis-je, a trouvé de quoi reprendre dans la pièce de George Dandin : ce n’est ni l’infortune de celui-ci, ni l’heureuse méchanceté de sa femme qu’il a trouvé digne de blâme, c’est le caractère de Sotenville : il craint que par ce rôle on n’ait rendu la noblesse rurale ridicule, et qu’on ne l’ait dégoûtée par-là du séjour sur ses terres.

/ 328