/ 397
393. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

raison étant pesée comme elle mérite, persuade nettement que les hommes de lettres et de cabinet ont besoin de quelque relâche pour donner plus de pointe à leur esprit, et ne se laisser point surprendre à ces indispositions fâcheuses, qui leur ôtent la douceur de la conversation, et les rendent quelquefois insupportables à eux-mêmes : et c’est la vraie fin, qui donne de la bonté au divertissement, qui dans son indifférence même est toujours louable, quand il est pris selon les lois de l’Eutrapélie. […] Ceux qui n’en font pas l’estime qu’elle mérite, et qui ne savent pas juger du pouvoir qu’elle a sur l’esprit des hommes, nous font entendre que la Musique, soit des voix, soit des instruments, n’est qu’un air battu et poussé entre deux corps, qu’il n’entre que par les oreilles qui n’est pas le sens le plus subtil de l’homme, qu’il lui faut de grands détours devant quen d’arriver où il prétend, et que sa pointe est émoussée au moment qu’elle est pour se faire sentir. […] Quand il n’y aurait rien à craindre en cette sorte de jeux que la passion violente qui y attache les hommes, elle suffirait pour nous faire juger qu’il y a un lien secret et diabolique qui les y attire, et dont ils ne se peuvent dépêtrer, quand ils y sont pris : Ils ne peuvent ignorer qu’ils y perdent leur temps qui leur serait très précieux, s’ils le savaient priser, comme il mérite, qu’ils abandonnent leurs affaires domestiques, qui fondent devant leurs yeux, comme la cire devant le feu, qu’ils quittent le soin de leurs femmes et de leurs enfants, qui sont les obligations les plus pressantes de la nature : ils voient tout cela, et comme s’ils étaient enchantés, et qu’ils eussent perdu tout sentiment, ils ne s’en touchent point : Toute la maison va en désordre : les enfants sont tout nus, et quelquefois n’ont pas du pain ; la femme s’arrache les cheveux de désespoir : les créanciers enlèvent tout ; s’il y a cinq sols de reste, il les faut porter aux Jeux : Et ce qui est de plus déplorable en cette maladie, on n’en guérit point.

/ 397