J’ai lu quelque part, que les Lacédémoniens firent une Loi, par laquelle il était ordonné, que lorsqu’un mauvais Citoyen aurait ouvert un bon avis, avant de le communiquer à toute l’assemblée du Peuple, on devait faire répéter la même chose à un homme vertueux ; & quoique celui ci n’eût pas été capable de l’imaginer, c’était néanmoins de sa part qu’on la proposait à la multitude : « De peur, ajoutait le divin Législateur de Sparte, qu’une maxime sage, un decret utile ne parussent sortir d’une source impure, & que par cette raison, on ne se crût autorisé à y déroger. » J’ai trouvé cette conséquence si juste, qu’elle va servir de fondement au Projet de Réforme que je propose pour le Comédisme : nous ferons passer par le canal de bouches innocentes, les sentimens d’honneur, les maximes de grandeur d’âme, d’humanité, de fidélité, que nous voudrons inspirer à la Nation. […] Les Actrices n’auront point un geste à ressorts, le ton des Furies, les regards effarés, la démarche forcenée : on ne les verra point quitter la Scène dix fois de suite précisément avec un modulement pareil dans le ton, & le même déploiement dans le geste ; la nature sur un fond unique diversifie toujours les formes, & se fait une loi de la variété. […] Que l’Opéra puise dans Homère, dans Virgile, dans Ovide, l’Arioste, le Tasse, Milton ; dans les Romans merveilleux, & jusques dans Dom Quichote ; il pourra même entreprendre avec succès, de représenter les prodiges opérés en faveur des Enfans d’Israel : mais qu’il ne touche pas à l’histoire ; qu’il ne prenne aucun sujet trop récent ; quelque prodigieux que soit un fait de la Loi nouvelle, il ne peut l’employer : il faut que le fond sur lequel il bâtit, ou soit faux, comme celui des Amadis, ou fabuleux, comme celui d’Atys, d’Isis ou de Psyché ; ou que le trait se perde dans la nuit des siècles écoulés ; tels sont les sujets de Jephté, de Samson, &c.