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322. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [A] » pp. 297-379

Mais songez donc que ce serait demander l’impossible : dans nos mœurs, les femmes & les hommes se trouvent ensemble par-tout ; les jeunes Beautés se montrent aux Temples, aux promenades, parées, séduisantes : s’avisera-t-on, comme un certain Evêque*, de mettre la promenade au nombre des choses défendues par la Loi de Dieu ? […] Aujourd’hui, quoi qu’en dise la misanthropie, une de ces deux causes de la séquestration des femmes a cessé ; & nous commençons, quant à l’autre, à mieux penser du genre humain : nous avons permis, nous avons fait une loi du commerce des deux sexes ; l’expérience, venue à notre appui, nous a convaincu que les mœurs ne pouvaient qu’y gagner. […] O loi sage ! […] Très-volontiers ; ce grand homme, le premier Philosophe de bonne-foi, le plus digne de ce nom, depuis Socrate, dit, si je m’en souviens bien, que « Tout amusement inutile est un mal, pour un être dont la vie est si courte, & le temps précieux ; Qu’un père, un fils, un mari, un Citoyen, ont des devoirs si chers à remplir, qu’ils ne leur laissent rien à dérober à l’ennui ; Que la Comédie flate les passions générales, & qu’elle ne présente sous des couleurs odieuses que celles qu’on haît naturellement ; que l’effet du Spectacle est de donner une nouvelle énergie à toutes les passions ; Que toutes les passions sont sœurs, qu’une seule suffit pour en exciter mille ; Que le Theâtre est insuffisant pour la correction, puisqu’il ne donne pas la loi, mais qu’il la reçoit du Public ; Que le Spectateur y va déja convaincu de toutes les vérités qu’on y prouve ; Que la pitié qu’on y ressent ne rejaillit sur personne, parce qu’en donnant des pleurs a des fictions, on croit avoir satisfait à tous les droits de l’humanité, sans avoir rien à mettre du sien ; au lieu que les infortunés en personne exigeraient de nous des soins, des soulagemens, des consolations, des travaux qui pourraient nous associer à leurs peines ». […] Il n’y a qu’une voix pour cela : monsieur Rousseau lui-même, faute de distinguer suffisamment les temps, tombe dans l’erreur commune : il cite la loi : Quisquis in scenam prodierit, ait Pretor, infamis est.

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