Les hommes mêmes les moins éclairés, ceux qui ne lisent jamais, y prennent quelque teinture de la fable et de l’histoire, y puisent quelques préceptes de morale, et le philosophe y admire le développement et la peinture fidele de toutes les passions. […] Je ne conçois pas qu’un homme qui a lu la déclaration des droits, quelque pénétré qu’il soit de la rouille des préjugés, puisse être pour la négative. […] Pourquoi le peuple d’Athenes, qui n’avoit pas la faculté de lire, parce que l’imprimerie n’existoit pas, et que les copies des manuscrits coûtoient trop cher, étoit-il le peuple le plus poli, et parloit-il un langage si épuré ? […] Nos chefs-d’œuvres dramatiques constituent le théâtre de la nation, dans quelque pays du monde qu’on les lise ou qu’on les joue. […] Ils n’ont donc pas lu l’histoire de leur théâtre ; ils ne savent donc pas que la Phedre de Pradon, qui fut préférée par une cabale de beaux esprits à la Phedre de Racine, fut donnée pour la premiere fois en 1676, et celle de Racine en 1677 et qu’ainsi Pradon auroit toujours en l’avantage, et que Racine n’auroit pas réussi à faire jouer sa Phedre, s’il u’y avoit pas eu deux troupes.