En commençant par observer les faits avant de raisonner sur les causes, je vois en général que l’état de Comédien est un état de licence et de mauvaises mœurs ; que les hommes y sont livrés au désordre ; que les femmes y mènent une vie scandaleuse ; que les uns et les autres, avares et prodigues tout à la fois, toujours accablés de dettes et toujours versant l’argent à pleines mains, sont aussi peu retenus sur leurs dissipations, que peu scrupuleux sur les moyens d’y pourvoir. […] Depuis que des foules de barbares, traînant avec eux leurs femmes dans leurs armées, eurent inondé l’Europe ; la licence des camps, jointe à la froideur naturelle des climats septentrionaux, qui rend la réserve moins nécessaire, introduisit une autre manière de vivre que favorisèrent les livres de chevalerie, où les belles Dames passaient leur vie à se faire enlever par des hommes, en tout bien et en tout honneur. […] Les femmes, la jeunesse, les riches, les gens oisifs, tout sera pour eux, tout éludera des lois qui les gênent, tout favorisera leur licence : chacun, cherchant à les satisfaire, croira travailler pour ses plaisirs.