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3. (1819) La Criticomanie, (scénique), dernière cause de la décadence de la religion et des mœurs. Tome II « Post-scriptum. » pp. 201-216

Comme dans une révolution du globe, les forêts étant bouleversées, les arbres déracinés sont entraînés avec confusion par des torrents qui les jètent et les entassent dans des ravins profonds, où, privés de tous les moyens de vie et de conservation que la nature leur avait préparés, ils se décomposent et tombent en corruption ; ainsi, dans notre révolution politique, la société ayant subi un grand bouleversement, les hommes déplacés ont été jetés et entassés confusément dans les administrations, dans ces ravins civils, où, dépouillés de tous les éléments dont l’âme sensible et bien née compose son bonheur, privés de toute sécurité relativement aux points qui y sont les plus essentiels, asservis de fait, ne jouissant que très-illusoirement des droits de citoyen et des bienfaits de la liberté, ils s’énervent et s’abatardissent….. ; ou souffrent cruellement dans un réel esclavage, tantôt témoins, tantôt victimes des plus révoltantes injustices, sacrifiés tour-à-tour à l’esprit de parti, aux affections de coterie, à la cupidité, à l’intrigue, à la bassesse, à l’ineptie ; et, ce qui est le comble de la honte et des tourments de leur servitude, trop souvent soumis à cette espèce d’élus devenus leurs chefs, leurs juges, les arbitres de leur sort ! […] Que nous importe, en effet, que nous sert ce plus précieux don de la liberté, le droit de vote et de suffrage, le droit de contribuer à l’élection de nos législateurs, de nos magistrats communs dont les rapports avec nos personnes, avec nos intérêts présents et sensibles, sont indirects ou éloignés, lorsque, d’un autre côté, on nous en donne de particuliers, sans forme protectrice, qu’il nous faut accepter bon gré mal gré, avec lesquels nous sommes continuellement en contact, qui sont si directement et à un tel point les maîtres de notre état, qui peuvent nous faire tant de mal impunément ! […] Nous né sommes pas plus heureux aujourd’hui par la liberté de notre pays que nous ne le fûmes de la liberté de l’Amérique.

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