Que si on en veut sauver plusieurs des plus accréditées, il est nécessaire, quoique dur, de leur faire subir des changements à la scène, à moins qu’on n’aime mieux (ceci va paraître nouveau et ridicule sans doute) suppléer à ces altérations pénibles, en faisant tomber le choix sur les spectateurs, oui, sur les spectateurs : en n’admettant à la représentation de ces comédies que la classe d’individus à la correction desquels elles sont destinées, lorsque les exemples et leçons qu’on y donne peuvent nuire à ceux qu’elles ne concernent pas actuellement plus qu’ils ne doivent en profiter pour l’avenir. […] Ainsi les jeunes femmes ne seront pas admises aux écoles théâtrales des mauvais maris, des maris jaloux, ou vieux, crédules, bourrus, auxquels leurs épouses jouent mille tours perfides ; ainsi les jeunes gens seront aussi exclus du spectacle les jours que des hommes auxquels ils doivent particulièrement le respect, par exemple, outre les pères et mères, leurs supérieurs, maîtres ou instituteurs, et les vieillards, devront y recevoir les leçons humiliantes et flétrissantes du ridicule, etc. […] Il serait bon de contenir aussi dans des bornes plus resserrées les donneurs indiscrets de leçons de précaution, qui vont chercher dans les espaces imaginaires des subtilités, des manœuvres, des vices, des perfidies, des crimes sans noms, sans exemples, ou très-rares, inconnus à la multitude, pour avertir tout le monde dramatiquement qu’il ne faut pas les commettre, ou s’en laisser atteindre ; ce qui n’empêche pas, ou plutôt, ce qui fait, comme je l’ai dit, que les méchants en profitent pour désoler les bons par des moyens nouveaux que les uns n’auraient jamais trouvés, et dont les autres n’auraient jamais eu rien à craindre sans cette fatale précaution. […] Et bien loin encore que toutes ces éternelles leçons qu’ils écoutent de sang froid, comme ne les concernant pas, ou dont ils rient eux mêmes et font des applications à leur gré, les aient corrigés ; elles ne les ont pas même intimidés ; on a vu constamment ces chicaneurs déhontés, ces embrouilleurs d’affaires, ces fléaux des familles, couverts de la dépouille de la veuve et de l’orphelin, se multiplier, aller la tête levée, se présenter avec assurance, faire baisser les yeux aux honnêtes gens, parler de délicatesse et de justice plus haut que les de La Haye et les Valton. […] Considérés sous ce point de vue, les comédiens allant de ville en ville, ou de spectacle en spectacle, vendre un tel plaisir et de telles leçons, ont en effet le plus grand rapport avec ces empyriques, non-aggrégés aussi, qui courent les pays ou les rues, vendant du baume et du vulnéraire qui empoisonnent.