Jurieu cependant est un ennemi déclaré du théatre, il dit l. 2, c. 3 : une personne qui revient du bal ou de la comédie est très-mal disposé à la dévotion ; on a beau dire qu’on a rendu le théatre chaste, qu’on n’y entend plus que des leçons de vertu, que les passions n’y paroissent animées que pour la défense de l’honneur, qu’on n’y produit que des sentimens de générosité ; pour moi je dis que les vertus du théatre sont des crimes selon l’esprit de l’Évangile, & que si on y entendoit quelque chose de bon, il est gâté par l’impureté des lèvres & des imaginations à travers lesquelles il passe. […] Si cette façon de s’unir trouve les hommes contraires, il faut sans balancer refuser leur compagnie (il n’y a rien à craindre) ; les hommes ne pouvant se soutenir sans elles (ni elles sans les hommes), ils seroient forcés à suivre leurs loix pour les posséder (par sympathie encore) ; le succès de ses leçons fut prompt, les hommes furent attaqués par les regards (purement spirituels), dont les feux embrasent leurs ames, ils furent animés d’une ardeur que n’inspire point la gloire (toute à la pointe de l’esprit) ; dès ce moment les mortels ne connurent point de bonheur plus parfait que d’aimer & d’être aimé. […] Un trait fort plaisant que l’ivresse du théatre peut seule inspirer après de longues dissertations sur l’esprit de révolte qu’inspire le Calvinisme, & qui a fait couler tant de sang en France, en Angleterre, en Hollande après de si grandes leçons de politique sur la manière de prévenir les révoltes, ce que personne n’iroit chercher dans un roman fait par une femme ; l’Auteur fait à sa manière le portrait de trois hommes célèbres qui ont joué les premiers rôles dans les guerres de religion : Cromvel, le Prince d’Orange & l’Admiral de Colligni, & détaille leurs bonnes & mauvaises qualités. […] Moliere lâcha quelque trait contre lui dans ses précieuses ; tout cela n’aboutit qu’à lui faire quitter le monde, il l’aimoit alors, il fréquentoit le théatre comme tout l’hôtel de Rambouillet, mais quoiqu’amateur, poëte, homme du monde, galant, il composa ce sonet où il semble d’abord se justifier, parce que c’étoit les beaux jours de Corneille, qui bien plus décent que ses prédécesseurs en avoit banni la licence, mais malgré cette réforme il reconnoît l’inutilité de ses leçons & son danger pour les mœurs. […] Mais dans cette leçon si pompeuse & si vaine, Le profit est douteux, & la perte certaine ; Ce remède y plaît moins que n’y fait le poison, Elle peut réformer un esprit idolâtre, Mais pour changer les mœurs & régler la raison, Les Chrétiens ont l’Église & non pas le théatre.