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20. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VI. » pp. 98-114

La Tragédie vous a toujours paru comme une école raisonnable de la vertu, & moi je prétends au contraire qu’elle donne au vice des leçons intéressantes, qu’on y succe un poison d’autant plus funeste, que l’on s’en défie moins ; on a sçu le deguiser sous les apparences d’un aliment très-utile. […] Ignorez-vous que l’on y rencontre le collége de la luxure, que l’on y reçoit des leçons publiques d’incontinence ? […] La fureur des Duels vient de l’opinion fausse que l’on doit conserver son honneur aux dépens de la vie de quiconque ose le flétrir, & pour le réparer, qu’il est indispensable de tuer un agresseur : or, cette opinion, aussi contraire à la raison qu’à l’Evangile, est préconisée dans le Cid, & c’est un pere qui donne cette horrible leçon à son fils :               contre un arrogant éprouver ton courage, Ce n’est que dans le sang qu’on lave un tel outrage, Meurs ou tue… On n’est pas moins choqué d’entendre dire à Chimene, s’adressant au meurtrier de son pere qu’elle va bientôt épouser : Tu n’as fait le devoir que d’un homme de bien.

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