Si, dans les ouvrages de belles Lettres, les Savants ont soin de laisser au Lecteur intelligent le moyen d’occuper son esprit, soit en devinant, ou même en ajoutant quelque fois aux idées qui lui sont présentées, et que l’Auteur, dans cette intention, n’aura pas tout à fait développées, j’ai cru que je ne pouvais rien faire de mieux que d’imiter une conduite également sage et utile ; parce qu’elle ne dérobe rien au Lecteur ignorant (pour qui il y en a toujours assez) en même temps qu’elle procure un vrai plaisir au Lecteur de génie et de goût, qui est bien aise de pouvoir mettre quelque chose du sien à sa lecture. […] N’en donnant qu’un petit nombre je leur laisse le champ libre, pour examiner eux-mêmes les Pièces qui restent ; ce qu’ils feront, sans doute, mieux que moi ; j’évite par là l’inconvénient de leur donner un ouvrage immense à faire, s’ils voulaient critiquer les jugements que j’aurais portés sur deux ou trois mille Pièces. […] Je laisse donc aux Poètes même le soin de se rendre justice, et à leurs amis celui de les critiquer et de leur donner des conseils utiles dans l’occasion.