/ 379
22. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Cette demande, étoit sans doute bien juste ; & si rien ne nous est plus cher dans la vie, que nos yeux, je ne vois pas ce que cet homme, dans l’état où il étoit reduit, pouvoit demander qui lui fût plus necessaire, Domine ut videam . […] Augustin, se sont déchaînez avec juste raison, & ont employé toute la force de leur éloquence à les décrier ; pendant que l’Eglise les a condamnez par ses Canons, & prononcé Anathême contre les Spectateurs. […] Je dis premierement, pour la résolution de cette question si delicate, & qui n’est pas sans difficulté qu’il faut consulter la situation de vôtre cœur, & que c’est mal raisonner de la grandeur du peril où l’on s’expose, que d’en juger par la nature, ou par l’institution de ces spectacles, ou par la fin qu’ont eû ceux qui les ont inventez les premiers ; au lieu de les considerer dans l’usage qu’on en fait, ou dans la maniere ordinaire qu’ils se passent ; & j’adjoûte que le peu de soin que la plûpart des gens du monde apportent à éviter l’occasion du peché, me donne un juste sujet de craindre que le peché mortel ne soit pas capable d’arrêter leur curiosité, ni la passion qu’ils ont pour une chose, où il est facile d’y tomber. […] Voicy la dêcision de ce grand Apôtre : Manger des viandes, quoyqu’elles ayent été sacrifiées aux fausses divinitez, est du nombre de ces choses qu’on appelle indifferentes, & je ne vous conseille pas de vous informer scrupuleusement, si celles que vous achetez pour vôtre usage, sont soüillées par cette profanation, ni de vous en abstenir pour cela ; cependant si cela est capable de scandaliser vôtre frere, qui est plus foible que vous, s’il prend occasion de-là, de retourner à son ancienne idolâtrie, il faut absolument vous en abstenir ; parce que cette circonstance en rend l’usage criminel, & il n’est pas juste de perdre l’ame de vôtre frere, que le Sauveur a rachetée au prix de son Sang, pour la nourriture de vôtre corps, ou pour vôtre plaisir. […] De tout cela, Messieurs, je conclus, qu’il y a bien des gens, qui ne peuvent sans peché frequenter ces spectacles, quelque innocens qu’on les fasse ; puisqu’ils sont pour quelques-uns une occasion prochaine d’y tomber, pour les autres un juste sujet de scandale qu’ils donnent au prochain, & pour les autres enfin, une perte de tems & d’argent qu’ils sont obligez d’employer à des choses plus necessaires & plus importantes.

/ 379