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46. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE VI. Où l’on examine si le Bal public proposé par M. Rousseau ne serait pas plus préjudiciable aux mœurs de Genève, que le spectacle qu’il proscrit. » pp. 211-224

Vous voulez que les pères et mères aient à leur tête un Seigneur Commis, et que tous ensembles composent un Aréopage pour juger de la modestie et de la danse des jeunes gens ; mais ne craignez-vous pas la prédilection des pères et mères pour leurs enfants ? […] En supposant d’ailleurs que le vin fasse éclater les mauvais desseins qu’un méchant couvait à jeun, il faut donc regarder comme un malheur qu’il se soit enivré, car il aurait peut-être toujours couvé, dans son sang-froid, un projet funeste dont l’exécution lui aurait paru dangereuse, tant qu’elle n’aurait pas pu être accompagnée de certaines circonstances que sa prudence lui faisait juger nécessaires, au lieu que l’ivresse l’aveuglant sur les dangers de l’entreprise, sa témérité lui fait tenter avec succès ce qu’un homme à jeun n’aurait pas osé tenter. […] Voyez Monsieur et jugez maintenant si Genève ne gagnerait pas beaucoup à l’établissement d’un spectacle Français, et si vous aimez votre Patrie comme vous dites, n’êtes-vous pas obligé, en conscience, de l’obliger d’en établir un au plus vite, pour prévenir tous les maux qui pourront résulter de vos Cercles bachiques et médisants ?

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