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89. (1772) Réflexions sur le théâtre, vol 9 « Réflexions sur le théâtre, vol 9 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE NEUVIEME. — CHAPITRE V. Eloge de Moliere. » pp. 154-202

Qu’on envisage dans les derniers momens, où le voile se léve, un saint Evêque qui expire dans les bras de la religion, au milieu des larmes de son troupeau & de toute l’Eglise de France, & un misable Tabarin qui contrefaisant le mort, passe subitement & réellement des treteaux au tombeau, & va rendre compte au jugement de Dieu de son libertinage & de ses scandales, & ne peut obtenir le sépulture ecclésiastique. […] Le public a été révolté du scandale de ce jugement, & le Roi du haut de son trône la flétri de la maniere la moins flateuse pour les Juges qui l’ont prononcé. […] n’a pu voir sans mécontentement que des discours destinés à célébrer les vertus d’un Archevêque qui s’est distingué par son amour & par son zèle pour la religion, soient remplis de traits capables d’altérer le respect dû à la religion même ; que dans le premier l’Auteur ne voie dans les vertus héroïques des Saints qu’un pur entousiasme, ouvrage de l’imagination, qu’il tente d’assimiler à l’aveuglement de l’erreur & aux emportemens de l’hérésie ; qu’il cherche à flétrir la réputation d’un Évêque admiré par ses talens, qu’il travestisse son zèle pour la pureté du dogme en haine & en jalousie, & qu’il blâme en lui une conduite justifiée par le jugement du Souverain Pontife & par l’approbation de l’Église universelle : Que dans le second discours on déclame contre les engagemens sacrés de la réligion, on donne à ses dogmes le nom d’opinions, & on se déchaîne contre des opérations que les circonstances avoient sous le regne précédent fait juger nécessaires à l’intérêt de la religion & à la tranquillité de l’État. […] Fenelon a non seulement notifié son jugement à toute la terre par l’impression, mais il a adressé à l’Académie elle-même la lettre celebre qu’il écrivit. […] Qu’on mette dans une balance équitable ces deux hommes & leurs ouvrages, on rougira du parallelle, & on rendra justice au jugement de l’Académie de Toulouse.

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