Ils s’écrient comme Boileau, touchant à tes lauriers craindroit de les fletrir : Comme ce n’est que par modestie que l’auteur traite de canevas une piéce si bien travaillée, il continue son exposition, & rassure les acteurs, il veut faire revivre Moliere, & veut que sa présence idéale, sans doute ; car il ne prétend pas faire le miracle d’une résurrection réelle, elle n’arrivera qu’au jour du jugement, où les hommes auront alors bien d’autres affaires que l’apothéose de Moliere ; il veut donc que cette présence inspire de nouveau les poëtes, & leur apprenne l’art qu’il avoit d’observer & de peindre les caractères comiques : il doit recourir à une magicienne pour évoquer l’ombre de ce grand homme. […] Le second drame appellé la Centenaire, quoi qu’assez mal conçu, est mieux entré dans cet esprit, il est plus ingénieux dans le détail, c’est le revers de l’ombre de Moliere que l’auteur a voulu imiter ; celle ci, quoique peu de tems après la mort du poëte, suppose tous ses personnages morts comme lui, pour les avoir tous dans ses enfers, & les fait venir l’un après l’autre au tribunal de Pluton, accuser les critiques de Moliere, & par les réponses & le jugement du tribunal, fait indirectement la justification & l’éloge de l’accusé, ce qu’il fait souvent avec esprit. […] Ces couronnes théatrales, qui n’avoient été jusqu’ici accordées qu’aux fameux guerriers, sont un reste de l’ancienne Chevalerie, & des Tournois ; où le Chevalier vainqueur recevoit la couronne par le jugement des arbitres, & de la main de sa maîtresse. […] Chacun prit son rang, selon l’ordre des facultés ; le poëte fut introduit par le bedeau, & après avoir fait ses très humbles révérences, il harangua sur les trois Roses, avec tout l’esprit, la politesse, la dignité d’un Dramatique couronné par le premier acteur ; il pria l’assemblée de vouloir bien venir à sa piéce, de l’honorer de son respectable suffrage, qui ne manqueroit pas d’en imposer à ces incommodes siffleurs, & de décider du jugement de la république des lettres.