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314. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

Le Misanthrope et le Tartuffe n’auraient pas essuyé tant de satires et de persécutions, nous verrions encore subsister sous la forme qu’ils avaient alors, les défauts, les vices et les ridicules que Molière a joués avec tant de naïveté et si peu de ménagement. […] La charge ne consiste effectivement que dans le laps de temps dont la brièveté ne laisse pas supposer l’assemblage actuel d’un si grand nombre d’incidents, mais elle n’est pas capable d’altérer la vérité des traits ; c’est au contraire l’assemblage de ces traits vifs et vrais qui rend le tableau plus frappant, et qui force le spectateur d’apercevoir les inconvénients du Vice ou du ridicule que l’on joue : comment donc voulez-vous que cette manière d’instruire soit capable d’entretenir le Vice au lieu de le corriger et que le cœur des méchants en tire parti ? […] On doit se moquer également des lâches et des Spadassins : les uns et les autres peuvent être joués avec succès sur la scène, et l’on y peut faire admirer un vaillant homme qui refuse d’exposer pour sa cause personnelle une vie nécessaire à l’Etat : on l’applaudira au contraire de son mépris pour le préjugé. […] On ne souffre point à Paris qu’à l’exemple des Grecs on prenne le masque et les habits des personnes qu’on voudrait tourner en ridicule ; on ne souffre point qu’on y nomme les gens par leur nom et qu’on leur dise des injures en face : on est fâché d’avoir à reprocher à Molière d’avoir pris le Chapeau, la Perruque et l’Habit de Ménageaz pour faire connaître que c’était lui qu’il jouait dans le rôle de Vadius ba. […] On vit par le Public un Poète avoué S'enrichir aux dépens du mérite joué, Et Socrate par lui, dans un chœur de Nuées bb D’un vil amas de peuple attirer les huées.

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