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84. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Les ouvrages d’un homme si respectable, paraitront les archives de l’hôtel, & quoique les drames ingénieux de ce jeune viellard ne soient pas des chefs d’œuvres son suffrage & son exemple sera cité par les apologistes du théatre. […] Le style en est plus noble, les idées plus belles, les expressions plus douces, la doctrine plus pure que la conversation d’un tas d’esclaves ; d’hommes & de femmes de mauvaise vie, de jeunes libertins, ou de vieux bourgeois qui forment tout son théatre, & quelque pure qu’en soit la latinité ; on n’apprendra jamais autre chose qu’un style bourgeois, des conversations qui ne préparent un jeune homme ni au barreau, ni à la Cour, ni à la chaire, ni à l’armée, ni à la société du beau monde. […] On ne peut se dissimuler que toutes ses pieces roulent uniquement sur les amours de quelque jeune libertin, pour une esclave, contre la volonté de ses parens & de ses tuteurs, & qui réussit enfin par les intrigues & les artifices de quelque valet fripon & débauché. […] Pour les jeunes libertins, en faveur de qui se trament les intrigues, leurs folies, leurs passions, leur indocilité à leurs parents, leur facilité à suivre les conseils de leurs esclaves & de leurs maîtresses, sont toujours non seulement impunies ; mais récompensées par le succès de leurs amours. […] Une jeune personne, en lisant des avantures galantes, se dit à chaque page, c’est moi : elle croît ne pouvoir vivre sans amour ; bientôt elle dira du premier jeune homme qui lui plaira, c’est lui : se dit-elle moins à la comédie ?

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