Tous les Ministres qui sont à Dantzic, l’Abbé d’Oliva & quantité d’autres, attirés par la singularité s’y trouvèrent : le panégyrique du Salomon du Nord fut suivi d’un grand repas de soixante-six couverts & d’un bal qui dura jusqu’au lendemain, où sans doute les jeunes Jésuites dansèrent, car il est juste & convenable que celui qui donne le bal en fasse les honneurs ; le lendemain on chanta un Te Deum, on juge bien que la comédie a été aussi de la fête, elle a toujours été usitée dans leurs collèges ; mais je ne sache pas qu’ils y eussent encore donné le bal. […] Ce Seigneur aimoit fort l’étude & la retraite, & faisoit beaucoup étudier son élève, ce qui ne plaisoit guère à ce jeune Prince, à ses menins & aux Dames de la Cour ; sa régularité édifiante & celle qu’il tâchoit d’inspirer, plaisoient encore moins. […] Cet hommage lui plut infiniment, car quoique très-vertueuse elle n’étoit pas encore déclarée pour la haute spiritualité ; l’Abbesse de Salfines avec ses Religieuses, la plupart jeunes, jolies, & toutes filles de condition, se rendirent dans la salle du festin pour voir la fête, elle fut admise dans le cercle. […] Un jour Henri ayant appris par les Ministres de ses amours, que les deux Princesses alloient dîner dans une maison de campagne des environs de Verteuil ; il feignit une partie de chasse dans le quartier, se déguisa en valet de pied, prit une livrée, & mit un emplâtre sur son visage, il suivit le carrosse des Princesses, & s’alla mettre à la fenêtre d’une maison voisine pour voir sa maîtresse ; & dès qu’il l’apperçut, lui parla par signe ; la jeune Princesse en fut surprise, se retira brusquement, & en avertit sa belle-mére : celle-ci enflâmée de colère en fit mille reproches au maître de la maison qui l’avoit invitée, & qu’elle crut de la confidence. […] En France, au contraire, vieilles, jeunes, prudes, coquettes, habiles & sottes, toutes veulent se mêler de tout, tout voir, tout entendre, tout savoir, & qui pis est, tout faire & tout brouiller, elles nous mettent tous les jours plus de confusion qu’il n’y en eut à Babylone.