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83. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — [Première partie.] — Septième Lettre. De la même. » pp. 73-99

Il en résulte de grands avantages ; outre l’aménité de mœurs qu’ils procurent, c’est par le Théâtre qu’une aimable Philosophie pénètre dans tous les Ordres de l’Etat ; (ceci prouve combien on doit épurer la source des amusemens publics) : l’enchantement des Représentations, & de leur brillant Spectacle, distrait les hommes d’objets desagréables ; au sein des Ris & des Jeux, ils se trouvent forcés d’oublier jusqu’à leurs calamités : par-là l’on fait aimer au Citoyen un pays où il trouve des plaisirs inconnus ailleurs. […] Loin de-là, je soutiens que si, d’un côté, ces deux objets peuvent être dangereux sur la Scène ; de l’autre, l’expression honnête & délicate du plus doux sentiment de notre âme, est ce qui peut donner aux Pièces tragiques ou comiques, un plus grand degré d’utilité ; & que la présence, le jeu des femmes sera précisément, lors de la Réforme proposée, ce qui rendra le Spectacle national plus réservé, plus digne de notre respect & de notre vénération. […] N’est-il pas, comme on l’a prouvé si souvent, utile par le plaisir qu’il donne, par la morale que renferment ses Pièces, par les occupations dangereuses & le jeu ruineux qu’il fait éviter à tant de gens ; par cette politesse, cette urbanité, qu’il introduit parmi le Peuple, sur lequel tout ce qu’il voit au Théâtre impressionne toujours beaucoup ? […] Je conviens encore que l’Auteur d’un Drame sachant que ce n’est pas dans sa Pièce seule qu’est la source du plaisir qu’on va chercher au Spectacle, il peut légitimement compter sur le jeu des Acteurs & les grâces des Actrices ; supposer que sa Pièce tirera son principal agrément & sa plus grande force, de la bouche qui doit la débiter : mais, par cette raison même, c’est à lui, s’il prétend au mérite solide d’être un Citoyen utile, estimable, à ne fournir au Comédien qu’un jeu décent ; à ne rien mettre dans la bouche des Actrices qui puisse par elles se changer en poison pour les Spectateurs. […] Le premier n’est-là que pour le contraste, pour faire saillir le caractère du bouillant d’Ormilli ; caractère bien dans la nature, dont la Comédie fait un joli Tableau, mais que l’Auteur n’a pas eu l’art de présenter de manière à nous corriger : au contraire, l’on peut dire que le jeu de l’Acteur n’est propre qu’à rendre charmant un original vicieux, à porter nos Petits-maîtres, à se donner de plus-en-plus son ridicule brillanté ; ils en seront plus insupportables aux yeux des femmes sensées, plus courus des folles ; ils ne prétendent que cela.

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