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352. (1759) L.-H. Dancourt, arlequin de Berlin, à M. J.-J. Rousseau, citoyen de Genève « CHAPITRE I. Où l’on prouve que le spectacle est bon en lui-même et par conséquent au-dessus des reproches de M. Rousseau. » pp. 13-64

C’est un homme qui sait aimer et estimer tout ce qui mérite de l’être, c’est un homme qui méprise et déteste la débauche et l’impureté, mais qui se permettra d’aimer tendrement une épouse vertueuse, qui fuira les ivrognes, mais qui se permettra pour la réparation de ses forces et le bien de sa santé, un usage modéré de sa bouteille ; qui fuira la fureur du jeu, mais qui n’en fera pas moins sa partie avec des amis de sa trempe, sans désirer le gain et regretter la perte, qui sera attentif à ses intérêts, vigilant dans son commerce, économe dans sa dépense, mais qui loin d’être avare emploiera le superflu de sa fortune à soulager les malheureux, à gagner le cœur de ses mercenaires et de ses domestiques par des libéralités encourageantes et bien placées : c’est un homme enfin pieux et charitable, sans hypocrisie, qui se contente de donner à Dieu les moments qu’il exige, et le reste du temps à ses affaires. […] Le jeune homme ne peut encore recueillir par lui-même la morale dont cette pièce abonde, son Gouverneur la lui fait apercevoir : « Voyez-vous Monsieur, dira-t-il, à quoi expose la malheureuse passion du jeu, quel est l’état de ce Valère, à quelles bassesses tout Gentilhomme qu’il est, sa passion ne le réduit-elle pas ? […] Je ne le crois pas, mais c’est un mal de prendre la débauche pour le plaisir ; l’extravagance de nos Marquis, leurs airs évaporés, pour une aimable liberté ; la parure excessive et ridicule, pour le moyen de s’embellir ; les pointes, les quolibets, les jeux de mots, les antithèses, pour les plus belles productions de l’esprit. […] Là le Grec né moqueur, par mille jeux plaisants Distilla le venin de ses traits médisants : Aux accès insolents d’une bouffonne joie, La Sagesse, l’esprit, l’honneur furent en proie.

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