Notre éloignement à rechercher une vaine parure de Stile, a fait croire à quelques Italiens que nous n’avions pas une Langue Poëtique comme eux. […] Je dirois volontiers que je ne trouve aucune Poësie dans le style de quelques Piéces Italiennes : mais les Italiens sont toujours prêts à nous répondre, que nous n’entendons pas les finesses de leur Langue. […] La même Beauté doit se trouver dans la Poësie Italienne, puisque Dante assuroit que jamais la Rime ne lui avoit fait dire ce qu’il n’avoit pas voulu dire ; puisqu’on ne s’apperçoit jamais que la Rime empêche l’Aristote de dire ce qu’il veut, & puisque suivant Castelvetro & Martelli, il n’y a point chez les Italiens comme parmi nous de Poësie sans Rime. […] Il a été très-facile aux Italiens de traduire avec ce Vers, tous les Poëtes de l’Antiquité : cependant Anguillara, si estimé par eux pour sa Traduction des Métamorphoses d’Ovide, a rimé ; & Pope a donné le même ornement à sa Traduction d’Homere, si vantée par les Anglois. […] Nous permet-il du moins de nous croire leurs égaux, & pouvons nous dire sans nous tromper, comme Crescembeni quand il parle des Tragédies Italiennes, nous marchons de pair avec les Grecs ?