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71. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

Pour se justifier, il a publié des Mémoires, où il entre dans un grand détail de ses intrigues, sur-tout depuis la mort de la Reine Anne, & l’entreprise du Prétendant, ce qui l’obligea à quitter son pays, où il fut condamné à perdre la tête sur un échaffaud, comme coupable de haute trahison. […] Parmi toutes ces passions, qui jouent tour à tour de si beaux rôles, il en est une dominante, qui regne toujours, qui met en mouvement toutes les autres, & dont toutes les autres établissent l’empire : c’est l’amour, de toutes les passions la plus dangereuse, dont on chérit les blessures ; c’est elle qui forme toutes les intrigues, & qui à travers tous les événemens tragiques ou comiques, remporte enfin la victoire sur tout. […] C’est-à-dire que naturellement réservée & sérieuse, elle évitoit le scandale, cachoit son jeu, savoit se taire, & n’arboroit pas avec éclat les intrigues, le crime comme la plupart des autres. […] Un poëme bien conduit, bien dialogue, une intrigue arristement filée, régulierement dénouée, un lieu élevé, bien décoré pour la faire représenter par des Acteurs salariés, c’est la perfection de l’art, le chef d’œuvre du génie, & les derniers efforts des Sophocle, des Corneille, des Moliere. […] Notre ivresse n’est pas si grossiere, elle n’a pas le même objet, les goûts sont différens ; mais j’ose dire que la plupart de ceux qui ont été au bal ou à la comédie, en viennent enivrés de passions, paîtris de vices, apres y avoir pris les libertés, entretenu des pensées, formé des desirs, jeté les regards, tenu les discours, présenté les objets, formé les intrigues les plus mauvaises, c’est-à-dire, commis & fait commettre des péchés sans nombre contre la pureté.

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