n’y mêle-t-on, ni épisode, ni passion, ni intrigue, ni dénouement ? […] que Judith était belle et parée, Esther tendre et insinuante, Bethzabée immodeste et fragile, la femme de Putiphar impudente et infidèle ; ils admirent la fierté d’Assuérus, l’ambition d’Absalon, les intrigues d’Architopel, en un mot tout ce qui est capable de nourrir la passion : tout le reste leur paraît vide ; à peine l’ennui laisse-t-il tomber un regard distrait sur ce qui porte à la piété, un œil de mépris sur ce qui combat la passion. […] Pour mettre une histoire sainte sur le théâtre, il faut ourdir une intrigue, former des obstacles, ménager un dénouement, introduire des personnages, leur prêter des sentiments et des discours, altérer les faits. […] Mais l’Abbé auteur donne prudemment à son drame un passeport sans lequel il n’eût pas été reçu ; c’est une intrigue amoureuse, de son invention, d’un Prince Ammonite avec la fille de Jephté : « Je n’ai point, dit-il, osé bannir tout à fait l’amour profane d’un théâtre qui n’est fait que pour lui. » Il tâche d’excuser les danses sacerdotales et pastorales qu’il y mêle ; il assure qu’une grande Princesse versa des larmes à la seule lecture qu’il lui en fit (il fallait qu’elle eût le cœur bien tendre).