Corrigée de la malignité d’Aristophane, de l’obscénité de Plaute, des intrigues libertines de Térence, elle étale les biens qu’elle fait ; elle corrige les petits-maîtres, les précieuses, les mysantropes, les femmes savantes, les malades imaginaires, & elle a des écoles pour tous les états. […] Point d’aventure galante dont on ne pût faire un drame, on l’a fait d’un très-grand nombre ; point de drame dont on ne fît un roman, il ne faut que dialoguer l’un & raconter l’intrigue de l’autre ; par conséquent même danger, même obligation de s’en abstenir. […] Ils défigurent l’histoire & la géographie par les pays & les événemens, & les Héros fabuleux qu’ils y mêlent ; le poëme épique, par le faux merveilleux & les épisodes d’amour qu’ils y introduisent ; le théatre même, par des amours & des intrigues absurdes, comme dans Britannicus, Bajazet, Alexandre, Phèdre, Mitridate, vice intrinseque, dont on ne le corrigera qu’en le faisant renaître de ses cendres ; l’éloquence, par des narrations traînantes qui ne finissent point, des descriptions fardées de lieux enchantés, des discours fastidieux de flatterie & de tendresse, pleins de frivolité & de petites fleurs d’élocution qui n’ont aucun sel, mais beaucoup de poison. […] Le théatre n’est qu’une savante école des passions ; on y donne des leçons de galanteris, de fourberie, de vengeance ; on y enseigne à conduire une intrigue, à éluder la vigilance des parens, à surprendre la bonne soi, à se défaire d’un rival, à se venger d’un ennemi ; & comme les Acteurs donnent un grand relief à ces leçons flatteuses, quel progrès les passions ne font-elles pas dans des cœurs où elles trouvent tant de dispositions ? […] Ce fracas de décorations, d’instrumens, de voix de machines, saisit d’abord tous les sens ; le charme de l’harmonie attendrit toute l’ame ; la magnificence du spectacle amuse, le dénouement de l’intrigue enchante.