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306. (1666) La famille sainte « DES DIVERTISSEMENTS » pp. 409-504

vient que les Sages n’ont point considéré ces illustres fictions, que comme le poison de la jeunesse, et particulièrement des filles qui se rendent trop savantes en des matières qu’elles devraient ignorer : Je ne dis rien ni de la perte du temps, ni de leur dévotion, qui ne se peut maintenir contre tant de chimères, dont elles se remplissent l’esprit ; ce m’est assez de faire connaître, que c’est là où sous prétexte d’apprendre quelques compliments et la politesse du langage, elles commencent à découvrir et à aimer les intrigues de l’amour : C’est là où elles prennent le premier feu qui les brûle ; car comme elles ont peu vu, tout leur paraît beau et surprenant : elles se figurent que ce qu’elles lisent, sont de véritables Histoires, et qu’il n’y a que les noms supposés : elles s’y attachent fortement, et parce que ces discours hyperboliques sont gentils, ils les engagent à continuer jusqu’au bout. […] Elle nous donne en partie ce que les Anachorètes sont allés chercher dans les déserts : elle nous fait maîtres de nous-mêmes ; elle nous arrache de cette hantise contagieuse, où le péché est presque inévitable ; elle nous fait renoncer à l’intrigue, à la vie douce, à la cajolerie, qui sont les grandes sources d’iniquité et de la corruption des mœurs : elle nous dégage de l’oisiveté, qui est la mère des vices et la ruine de la noblesse, tant pour le corps que pour l’esprit : car n’ayant pas de quoi s’occuper ni dans le trafic, qui est au-dessous de sa condition, ni dans la guerre, qui ne dure pas toujours, elle se consomme en une vie languissante, et pour ne pouvoir pas faire ce que font les autres hommes, elle fait quelquefois ce qui ferait rougir les bêtes.

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