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25. (1684) Sixiéme discours. Des Comedies [Discours sur les sujets les plus ordinaires du monde. Premiere partie] « Sixiéme Discours. Des Comedies. » pp. 279-325

Il faut convenir que les Pieces de theatre sont ou innocentes, ou criminelles, ou en partie innocentes, & en partie criminelles. […] Et comme cette matiere estant publique ne regarde pas moins les peres & les meres, les Puissances ecclesiastiques & seculieres, que les particuliers : Comme les Pieces de theatre sont ou entierement criminelles, ou en partie innocentes, en partie criminelles, & qu’il n’y a point d’Auteur qui n’en puisse composer de criminelles, voyons le zele avec lequel il faut fuïr & interdire les criminelles, reformer celles qui sont en partie innocentes, en partie criminelles ; empescher de paroistre celles qui peuvent estre criminelles ; ce sont les moyens d’arrester le mal qu’elles sont ou par elles-mesmes, ou par quelqu’une de leurs parties ; ce sont les moyens de prévenir le mal que les Pieces nouvelles pourroient faire. […] La patience des Magistrats qui souffrent les Comedies pernicieuses n’est pas plus innocente, que la patience de ceux qui permettent d’imprimer, de vendre, & de lire les méchans livres ; les premiers sont d’autant plus coupables, que ces Comedies peuvent corrompre les mœurs par leur lecture, & que leur representation est beaucoup plus dangereuse, & attaque l’innocence avec une violence plus redoutable que leur lecture. […] La Piece est peut-estre innocente, elle est peut-estre criminelle ; le peché est peut-estre en embuscade sous ces beaux vers, il n’y est peut-estre pas ; on entre sans frayeur dans un lieu si redoutable. […] L es Comedies innocentes sont si rares, que les Peres ont condamné les Comedies sans distinction, non pas qu’ils ne sçeussent qu’on pouvoit en trouver quelques-unes d’innocentes, mais parce qu’ils sçavoient que la plus grande partie estoit contraire à la Religion, & aux bonnes mœurs, & que le petit nombre de celles qui estoient innocentes ne pouvoit pas empescher qu’on ne peust dire que les Comedies ne valoient rien, & le dire avec autant de verité, que le Prophete Roy dit de son temps qu’il n’y avoit personne qui observast la Loy de Dieu, parce que les personnes vertueuses estoient si rares, que le S.

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