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81. (1760) Lettre à M. Fréron pp. 3-54

La morale ayant fait dans leur cœur de si grands progrès ; après qu’ils auront admiré Socrate, Caton, Cicéron et tous les sages de l’Antiquité Païenne, peut-on s’imaginer qu’il ne sera pas plus facile alors de leur faire admirer les vertus des Héros et des Martyrs du Christianisme ? Peut-on s’imaginer que l’Entousiasme prophétique de Joad dans Athalie, la fermeté Sainte de Mardochée, le courage héroïque de Polyeucte, celui des Maccabées, la fin toute chrétienne de Gusman, enfin tous ces spectacles rendus plus intéressants encore par un pieux usage des vérités chrétiennes mises en action ; peut-on, dis-je, s’imaginer que ces spectacles soient sans effet sur des cœurs disposés par le goût qu’on leur aura inspiré déjà pour la vertu à se laisser pénétrer des vérités de notre Sainte Religion ? peut-on enfin s’imaginer qu’il ne soit pas facile de faire un bon Chrétien de quelqu’un que le Théâtre aura déjà rendu honnête homme ? […] Les auteurs Dramatiques qui se sont imaginés que la politesse, les mœurs et le bon esprit avaient triomphé de l’avarice et percé jusqu’au cœur de ces Messieurs se sont étrangement abusés ; qu’ils seraient détrompés bientôt, si leur intérêt les conduisait dans les Anti-chambres de ces Tirans pour solliciter quelques graces !

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