Des Auteurs sans forces, sans idées ; des Ouvrages sans goût, sans moële, sans sauce, pleins de longueries d’aprêt, comme s’exprime Montagne ; des corps, sans nerfs, sans substance, sans ame. […] Preuve que, quand une idée nous plaît, nous avons bien de la peine à la rejetter, quelque fausse qu’elle puisse être. […] Il en est des talens embrassés par toute une nation, comme d’un esprit occupé de tous les objets à la fois ; de même que dans la vaste sphere des connoissances humaines, l’esprit achete un amas de notions ébauchées & mal-digérées au prix de l’art de penser & de bien savoir ; de même, une Nation entiere qui voudroit raisonner & parler de tout, qui auroit effleuré toutes les Sciences, n’en auroit que des idées vagues & confuses, & auroit souvent perdu jusqu’au sens commun. […] Ceux qui font profession de littérature, n’ayant à plaire qu’à des gens qui n’ont point d’idées saines, sont convaincus de leur supériorité, & leur font goûter sûrement tout ce qui sort de leur plume.