Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se declame, & qui voyent le spectacle d’une comedie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’imagination des images, & des representations moins honnétes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ? […] Elle, qui sans cela peut-être n’auroit jamais sçeu ce que c’est que du mal, & qui n’en avoit, ny la pensée, ny les idées, le voyant alors si bien dépeint sur le theatre avec toutes les couleurs, de la parole, d’une expression douce, & de la declamation ; Elle, dis-je, commence à sortir de la sainte ignorance, où elle étoit, & ce que la nature ne luy avoit pas encore appris, des Comediens, & des Comediennes le luy apprennent, comme les nouveaux maîtres de son premier mal-heur. Ce métier, appris à une si mechante école, étant secondé par les inclinations naturelles, & ne laissant que les idées d’une douceur effeminée, ce jeune homme & cette jeune fille, commencent à mettre en pratique, ce qu’on leur a si bien enseigné sur le theatre : L’innocence est attaquée, l’on aime sa foiblesse dans l’attaque, & ensuite arrivent les grandes chûtes, à qui la Comedie a donné les commencemens. […] Car de penser que parmi tant de charmes pour les yeux, & pour les oreilles, que presente le theatre, l’on puisse y être avec un cœur invulnerable, & une pureté toûjours exacte & delicate, c’est une idée, & tout ensemble une temerité, qui merite que l’on perde ce que l’on pretend conserver. […] Comment donc une personne qui frequente le theatre, sera-t’elle capable d’aucun sentiment Chrétien, ne raportant de-là, qu’une tête pleine d’idées douces & charmantes, & de toutes les passions folles & imaginaires, que la declamation d’une Comedien luy a pû presenter.