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34. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien cinquieme. Le danger de la Comedie en particulier, decouvert par le R. P. F. Guilloré de la Compagnie de Jesus. » pp. 67-79

Tout cela, ne sont-ce pas autant de fortes attaques, données par les yeux, & par les oreilles, au cœur des personnes, qui écoutent ce qui se declame, & qui voyent le spectacle d’une comedie, pour y porter des impressions d’amour, en leur amolissant la volonté ; en leur gravant dans l’imagination des images, & des representations moins honnétes ; & en leur laissant dans la memoire des idées, qui ont toûjours quelque chose de sensuel ? […] Elle, qui sans cela peut-être n’auroit jamais sçeu ce que c’est que du mal, & qui n’en avoit, ny la pensée, ny les idées, le voyant alors si bien dépeint sur le theatre avec toutes les couleurs, de la parole, d’une expression douce, & de la declamation ; Elle, dis-je, commence à sortir de la sainte ignorance, où elle étoit, & ce que la nature ne luy avoit pas encore appris, des Comediens, & des Comediennes le luy apprennent, comme les nouveaux maîtres de son premier mal-heur. Ce métier, appris à une si mechante école, étant secondé par les inclinations naturelles, & ne laissant que les idées d’une douceur effeminée, ce jeune homme & cette jeune fille, commencent à mettre en pratique, ce qu’on leur a si bien enseigné sur le theatre : L’innocence est attaquée, l’on aime sa foiblesse dans l’attaque, & ensuite arrivent les grandes chûtes, à qui la Comedie a donné les commencemens. […] Car de penser que parmi tant de charmes pour les yeux, & pour les oreilles, que presente le theatre, l’on puisse y être avec un cœur invulnerable, & une pureté toûjours exacte & delicate, c’est une idée, & tout ensemble une temerité, qui merite que l’on perde ce que l’on pretend conserver. […] Comment donc une personne qui frequente le theatre, sera-t’elle capable d’aucun sentiment Chrétien, ne raportant de-là, qu’une tête pleine d’idées douces & charmantes, & de toutes les passions folles & imaginaires, que la declamation d’une Comedien luy a pû presenter.

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