Une femme qui se sent chargée d’elle-même jusqu’à ne pouvoir en quelque sorte se supporter ni souffrir personne, dès qu’une partie de jeu vient à lui manquer ; qui n’a d’autre entretien que de son jeu ; qui du matin au soir n’a dans l’idée que son jeu ; qui n’ayant pas, à l’entendre parler, assez de force pour soutenir quelques moments de réflexions sur les vérités du salut, trouve néanmoins assez de santé pour passer les nuits dès qu’il est question de son jeu ; dites-le moi, mes chers Auditeurs, cet homme, cette femme gardent-ils dans le jeu la modération convenable ? […] Il vaut mieux jouer, dites-vous, que de parler du prochain, que de former des intrigues, que d’abandonner son esprit à des idées dangereuses. Beau prétexte, à quoi je réponds qu’il ne faut, ni parler mal du prochain, ni former des intrigues, ni donner entrée dans votre esprit à des idées sensuelles, ni jouer sans mesure et à l’excès, comme vous faites. […] Et comme en matiere de salut tout est personnel, et que la bonté ou la malice de nos actions n’est prise que par le rapport qu’elles ont à nous ; quand il s’agit de m’accorder un divertissement ou de m’en priver, l’idée générale qu’on en a ne suffit pas pour former ma résolution ; mais si j’y reconnois quelque endroit par où il me puisse être nuisible, je dois dès-lors le rejetter et m’en éloigner : Abscide eum, et projice abs te. […] Ces grands hommes avoient l’esprit de Dieu, pour former les vierges de Jesus-Christ à la sainteté de leur état ; mais ils leur donnoient des enseignements et leur traçoient des préceptes qui redresseroient bien vos idées touchant ces promenades qui vous semblent des plaisirs si convenables et si légitimes.