L’esprit qui ne laisse pas de prendre interêt à ce qu’on lui représente, devine les événements, découvre les embuscades, préside aux conseils, donne les avis et les ordres avec autant de chaleur, que s’il avait à vaincre lui-même la fortune ; néanmoins comme la prudence humaine n’est pas assez éclairée, pour voir bien nettement l’avenir, mille accidents font des bigarrures, et des surprises qui l’entretiennent dans une délicieuse admiration. […] Nos inclinations ne se portent déjà que trop au mal, sans qu’il faille jeter de l’huile sur les flammes ; sans que l’on emploie ce grand appareil, tant de damnables instructions, autorisées par des exemples célèbres, par les triomphes du vice, suivis d’un applaudissement public pour assurer les courages contre les reproches de la conscience, et les menaces des lois : on met l’honneur à nourrir des haines irréconciliables, à mettre la désolation dans les familles et dans les états, pour une parole mal interprétée, pour une ombre, pour un soupçon de déplaisir : on qualifie cette fureur du nom de force, et comme au temps de l’idolâtrie, des vices on fait des divinités à qui l’on présente des sacrifices de sang humain, quand l’on introduit toutes les fausses déités du Paganisme, et qu’on rapporte tous les événements des affaires à la fortune ; n’est-ce pas affaiblir extrêmement la foi d’un vrai Dieu ?