Ce ne sont pourtant pas là les beautés dont je voudrais qu’on fit usage sur la Scène ; elles seraient admirables dans un Roman : quant au Théâtre de la Réforme, il n’adopterait jamais une passion d’amour telle que celle de Chimène et de Rodrigue ; et ne permettrait pas à un Amant de tuer le père de sa Maîtresse, ni à la Maîtresse d’épouser ensuite son Amant : outre que ce sont là des objets qui, selon moi, ne devraient jamais être présentés aux Spectateurs ; les chemins par où l’on passe, pour arriver à ces excès, avec tant de Scènes de tendresse, ne sont propres qu’à corrompre le cœur humain ; et, quant à moi, je ne l’admettrais point, quelque correction qu’on pût y faire. […] Je pousserai donc mes réflexions plus loin et je dirai, que la haine, la vengeance, la dissimulation, l’avidité de l’or, et toutes les passions humaines ne me paraissent pas dignes du Cothurne, et qu’il faut les abandonner à la Comédie ; les hommes n’ont attaché la grandeur d’âme qu’à l’ambition, et les autres passions ils les ont caractérisées de faiblesses ; il n’y a donc que l’ambition qui convienne à la majesté tragique : et si nous voulons y associer l’amour, que ce soit (je le répète encore) dans le fort et le grand de la passion, comme Phèdre et Andromaque, et non pas dans le faible, comme Bérénice, Rodogune et tant d’autres Héroïnes des Tragédies modernes.