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41. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre II.  » pp. 37-67

Pour qui il ne devoit avoir que de l’horreur & de la défiance ? […] Quelle horreur ! […] L’homme toute sa vie le plus pieux & le plus sage, dans un âge très-avancé, devient amoureux, & fait mille folies, dans le plus fort des horreurs de la guerre, dont il est un des chefs, devient rival d’un jeune Prince, & l’appelle en duel ; ce qu’à peine la fougue d’une aveugle jeunesse pourroit faire croire. […] Dans le genre sombre, terrible, affreux, les austérités de la Trape, l’horreur des précipices, le carnage des batailles, les tourmens des Martirs, les cruautés des Iroquois, l’appareil du grand jugement, la fureur des démons, le désespoir des damnés, qui oseroit dire que ces divers objets ne formeroient point de vrais tableaux ? […] On lui dira, que ce genre, tout parfait qu’il le croit, plaira difficillement en France, où le caractère gai, doux & humain ne voit qu’avec répugnance des horreurs, qui plaisent en Angleterre, qui plaisoient dans le cirque de Rome, qui plaisoient à des Iroquois, qui plaisoient à des démons, à des damnés ; mais qui ne sont pas dans nos mœurs.

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